Quelque part, dans un pays lointain, la vie s’est construite autour d’une activité bien singulière : la culture des statues. Dans des domaines qui s’étendent à perte de vue, des jardiniers consacrent leur existence à ces êtres de pierre qui naissent et sortent du sol aussi naturellement que des coquelicots en été.
« Les jardins statuaires », de Jacques Abeille, nous raconte les coutumes de ce peuple anonyme et hors du temps. Narrée par un voyageur tout aussi mystérieux, qui s’est donné pour quête de poser sur le papier les innombrables principes qui structurent cette société, l’aventure oscille entre étude sociologique et récit de voyage. Au fil de ses pérégrinations, le narrateur se heurte aux relations quasi-scriptées entre hommes et femmes, dont les rôles clairement définis semblent immuables, s’attache à comprendre des lois souvent cruelles qui mènent certains citoyens à l’exclusion et navigue entre ceux qui suivent les règles et ceux qui s’en affranchissent.
De son regard neuf, il va observer ce peuple fier dans tout ce qu’il a de touchant, mais aussi d’absurde. Si on ne sait rien de cet homme ni de ses origines, on se reconnait bien vite dans ses interrogations, dans sa surprise aussi. Arrivé sur ces terres sans qu’on sache trop comment, il veut tout connaître et tout comprendre. Il ignore que ses questions naïves et sa curiosité sincère vont ébranler les certitudes de tout un peuple…
Dépaysement garanti
Difficile de définir « Les jardins statuaires« . Roman d’aventure ? De fantasy ? Conte philosophique ? C’est certain, on tient entre les mains une œuvre déroutante.
L’aventure est belle, captivante, émouvante. Jacques Abeille a créé un peuple de toutes pièces parfaitement cohérent et crédible. On croirait presque lire un récit de voyage classique, sans la présence de ces champs de statues qui nous rappellent régulièrement que tout n’est que fiction.
Je regrette toutefois le style très ampoulé de l’auteur. Entre envolées lyriques, longues réflexions philosophiques et mots inusités, on en vient parfois à se perdre dans de jolies phrases qui n’en finissent plus. Cela brise le rythme du récit sans apporter, à mon sens, de valeur ajoutée. En voici un extrait :
J’écris pour être loin, pour demeurer en ce lointain écarté où, par un apprentissage noble et subtil, m’a conduit le gardien. Aujourd’hui moi-même, seulement moi-même. Et chaque nuit me retrouve penché sur la pente de la planche. Sur la tablette du pupitre qui clôt l’horizon de mes gestes et qui supporte habituellement mes plumes, veillent les choses tutélaires à qui Vanina (ndlr : une femme rencontrée lors de son voyage) me remet dans les heures où je deviens étranger.
Oui, c’est très poétique mais aussi un peu lourd, malheureusement. Toutefois, ne vous méprenez pas, j’ai lu ce roman avec grand plaisir. « Les jardins statuaires » démontre avec brio qu’on peut voyager très loin sans se déplacer. Reste que j’attendrai un peu avant de lire la suite. Hé oui, ce n’est là que le premier des six tomes du Cycle des Contrées. L’aventure est donc loin d’être finie…